Dernièrement, une journaliste me posait des questions, dont une qui m’a fait réfléchir et voir la prévention des risques psychosociaux sous un autre angle, et ce, dans tous les sens du terme. Elle m’a demandé quels étaient les angles morts de la prévention des risques psychosociaux (PRS). À brûle-pourpoint, j’en voyais quatre qui me semblaient fréquents et même redondants dans les conférences que je donne.
Vous l’aurez deviné, j’ai poursuivi ma réflexion et eu envie de nuancer davantage mes propos. Ces angles morts sont importants pour un professionnel de la SST, car savoir positionner votre organisation sous ces angles peut vous permettre de mieux comprendre le contexte dans lequel votre organisation veut prendre en charge (ou non) les RPS. (Rappelons nous que le contexte est le premier élément à identifier pour mettre en place un programme de prévention des RPS, et c’est d’ailleurs un sujet que j’ai couvert dans mon dernier blogue (Six étapes d’un système de gestion efficace des RPS).
Ici, l’angle mort représente les pièges de la gestion des RPS :
1. Prétendre que son organisation est exempte de RPS;
2. Remplacer une démarche d’analyse de RPS par un questionnaire sur le niveau de stress ou un sondage de satisfaction des employés;
3. Confier la responsabilité du programme de RPS au comité de SST;
4. Se fier uniquement au programme d’aide aux employés (PAE) et à son professionnel des RH pour gérer les RPS.
1. Prétendre que son organisation est exempte de RPS
Pour éviter de prévenir un risque, il faut démontrer qu’il est absent de son milieu de travail. Or, si dans votre organisation vos employés ont une tête, vous ne pouvez pas vous déresponsabiliser à cet égard. Évidemment, le niveau de développement de votre programme de RPS peut être ajusté en fonction du niveau du risque présent dans votre organisation.
Partons de la base en revisitant l’article 51.16 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) « Sur les lieux de travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse ou du travailleur exposés à une situation de violence physique ou psychologique, dont une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel ».
Il est possible qu’aucun de vos employés ne présente de symptômes de stress, que vous n’ayez pas reçu de plaintes, que votre organisation dispose d’un programme béton de bien-être au travail. Il ne faut toutefois pas oublier que la souffrance liée aux RPS se vit souvent dans le silence. Les RPS sont sournois, et plusieurs grandes études menées pendant la pandémie ont démontré que les employés préféreront démissionner pour rapidement retrouver un bien-être, un sens et un sentiment de liberté dans leur milieu de travail. Ces personnes quittent le navire en ne donnant aucune information sur leur santé mentale ni aucun autre indice pouvant expliquer leur départ. Il ne vous restera que vos prétentions
L’ascension du stress qui mène à l’épuisement professionnel peut prendre plusieurs années et les personnes qui en souffrent ne s’en rendent parfois même pas compte.
Pour ces raisons, il ne faut jamais tenir pour acquis que les RPS sont inexistants dans son organisation. L’éducation, la sensibilisation et la formation sont des alliés pour aider une équipe de gestion à comprendre et prévenir les RPS.
2. Remplacer une démarche d’analyse des RPS par un questionnaire sur le niveau de stress ou un sondage de satisfaction des employés
Une évaluation du niveau de stress n’est pas une démarche d’analyse de risque, c’est simplement une évaluation du niveau de stress.
Un sondage de satisfaction des employés n’est pas une démarche d’analyse de risque, c’est simplement un sondage de satisfaction des employés.
La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) stipule que « L’analyse des risques consiste à utiliser un processus ou une méthode permettant d’évaluer la probabilité et la gravité des risques dans le but de les prioriser. »
Cela dit, une évaluation du niveau de stress et/ou un sondage de satisfaction des employés ne correspondent pas à la description d’une analyse de risque, selon la LSST. Cependant, ils sont d’excellents outils pour nous aider à prioriser nos stratégies de gestion des RPS.
3. Confier la responsabilité du programme de RPS au comité de SST
Lors de mes conférences, je veille à peser mes mots et à user de prudence, car ce point suscite habituellement beaucoup d’émotion dans l’auditoire. Il me faut donc préciser d’emblée que mes propos ne signifient pas que le CSS ne doit pas être impliqué dans la prévention des RPS, mais bien que les causes potentiellement sensibles et délicates des RPS ne doivent pas être gérées uniquement par le CSS (ou par une brigade de sentinelle). Si une organisation en est aux balbutiements de la mise en place d’une démarche d’analyse des risques, l’employeur doit en assumer la responsabilité, puis impliquer les employés et le comité de SST par la suite (tout en demeurant le principal responsable d’un point de vue juridique).
Maintenant, sachant que les gestionnaires sont les plus à risque de vivre un épuisement professionnel attribuable au stress, il pourrait être maladroit de penser que leur recours de prévention serait d’aller voir un employé.
Croyez-vous qu’un directeur de production se sentirait à l’aise d’aller voir un employé de votre CSS pour dénoncer le harcèlement que son VP lui fait subir?
Pensez-vous qu’un VP répondrait de façon approfondie aux questions posées lors d’une démarche d’analyse des risques psychosociaux si l’exercice était mené par un employé?
Encore une fois, je ne dis pas que c’est impossible; je dis qu’en général, ce n’est pas une stratégie gagnante pour obtenir toute l’information nécessaire de la part des employés occupant des postes de cadre. Il existe encore trop de peu de repères législatifs pour soutenir un CSS dans la prise en charge de ces risques. Je serais déjà plus confiante si le CSS était appuyé par des ressources externes.
Je sais que mon propos va heurter quelques professionnels de la SST et c’est pourquoi je vais consacrer plus de temps à ce point dans un futur blogue.
4. Se fier uniquement au programme d’aide aux employés (PAE) et à son professionnel des RH pour gérer les RPS
Selon l’OMS, il existe trois niveaux de prévention des RPS, et le programme d’aide aux employés se classe au dernier niveau. Voici donc les trois niveaux de prévention, avec les actions qui peuvent s’y rattacher :
1. Prévention du risque grâce à une démarche d’analyse de risques;
2. Prise en charge de l’individu dans le cadre de formations;
3. Évitement des récidives par le biais des services fournis par un PAE.
Disposer uniquement des services offerts par le PAE est comparable à mettre en place un programme de cadenassage en ne sachant pas quels sont les équipements présents dans notre usine. Nous sommes loin de l’approche du 20/80. Encore une fois, je nuance mes propos : je ne dis pas que les services du PAE ne sont pas utiles, mais plutôt qu’ils sont insuffisants pour couvrir toutes les facettes d’un programme de prévention des RPS.
De plus, confier l’entière responsabilité de la gestion de ces risques à votre service des RH est loin des principes d’un système intégré, car plus la responsabilité touchera de gens dans votre organisation, plus la prévention sera puissante. Les responsables de la SST sont les professionnels des analyses de risques; ils connaissent les lois sur la santé et la sécurité au travail et ils gèrent les programmes de prévention. La méthodologie de gestion des risques psychosociaux est la même que celle utilisée pour tous les autres risques. C’est pourquoi je recommande que la gestion des RPS se fasse en équipe multidisciplinaire qui implique les RH, la SST et d’autres partenaires internes, selon la nature de l’organisation.
Confier la pleine responsabilité de la gestion des RPS à un seul service de l’organisation peut représenter un risque en soi. Qu’en est-il si ce service est l’une des sources du stress vécu dans votre organisation en raison de son mode de gestion déficient, s’il n’inspire pas confiance ou s’il a voix au chapitre en matière d’obtention des promotions parce qu’il y a des fuites d’information confidentielle, etc.?
Voici donc les quatre angles morts de la prévention des RPS. La bonne nouvelle est qu’ils sont évitables et qu’il existe la norme ISO 45 003:2021 qui est mondialement reconnue pour implanter un système de gestion des risques psychologiques et de sécurité au travail. Pour en savoir davantage sur cette norme, vous pouvez lire cette courte lecture qui la résume très bien: les six étapes d’un système de gestion efficace des RPS.
Vous faire accompagner dans la mise en place de votre programme de prévention des RPS peut vous aider à cibler vos stratégies et ainsi diminuer vos efforts pour atteindre plus de résultats.
EVERESST offre plusieurs formations ainsi que tous les outils nécessaires pour mettre en place un programme complet de prévention des RPS de manière pérenne et autonome.